Lors du premier procès, les jurés avaient délibéré pendant deux heures. Cette fois, ils ont mis deux fois moins de temps pour parvenir à la même décision. Laurent Vili est un homme doublement acquitté.
Hier matin, deux secondes après les réquisitions de l’avocat général, une chape de plomb s’était abattue du côté droit de la salle, là où était rassemblé le camp Vili. « Six à huit ans de prison, ferme, avec mandat de dépôt. » En début de soirée, le même silence, presque irréel, s’est abattu après la réponse à la première question posée par la cour. Non, Laurent Vili n’est pas l’auteur du coup de feu qui a entraîné la mort de Jean-Marie Goyetta.
Un dossier mal engagé (pas de constatations immédiates, ni d’autopsie) et une enquête qui s’est raccrochée aux seuls aveux du suspect numéro un, « démoli et torturé » par son geste et qui, en admettant avoir tiré, « a voulu participer à la justice ». C’est l’image qu’on gardera de « l’affaire Vili ». Les jurés n’ont pas transigé. Le doute était suffisamment présent pour acquitter le rugbyman une deuxième fois.
Vendredi après-midi, tout comme ils l’avaient fait la veille, ses deux défenseurs ont continué à le distiller, ce fameux doute, « qui doit profiter à l’accusé », selon la formule consacrée. Deux éléments ont probablement fait pencher la balance : la thèse d’un deuxième tireur ayant atteint un second blessé. En l’occurrence Yann Palau, quelques minutes avant que Jean-Marie Goyetta ne soit touché. Dans la chronologie des faits telle que l’a relatée Me Frédéric de Greslan, c’est ce second blessé que Laurent vili aurait atteint. La défense a avancé un autre argument de poids : des cris et des pleurs venus de la rive kanak, entendus par Laurent Vili après son tir. Or jamais personne, côté victime, n’a fait état de ce fait après que Jean-Marie Goyetta s’est effondré. « On n’a aucune raison de mentir quand on s’accuse de la mort d’un homme », a résumé l’avocat. Laurent Vili, rongé par les remords, a donc avoué pour savoir.
Me Gilles Gauer a enfoncé le clou. « Le seul tort de Laurent Vili, finalement, c’est d’avoir été honnête. » L’avocat du barreau de Montpellier a lui aussi repris le dossier. Les déclarations des frères Tafusimai, « ennemis mortels du clan Vili », qui ont enfoncé l’accusé. Le juge d’instruction qui « garde pour lui pendant plusieurs mois l’information sur le calibre de l’arme ». Et les « convictions des enquêteurs », qui auraient « précédé les investigations ». « Finalement, ce dossier, c’est le festival d’Avignon. Il y a le “ in ”, et il y a le “ off ”, qui est le plus intéressant, mais où la défense ne peut pas entrer, faute de ticket. » Là encore, l’image a sans doute fait mouche.
« Le seul tort de Laurent Vili, finalement, c’est d’avoir été honnête »
Un peu plus tôt dans la journée, l’avocat général avait lui aussi repris la chronologie des événements, en faisant part de ses certitudes. « Peut-on s’accuser de faits si on ne les a pas commis ? », s’est demandé Gilles Brudy. « On ne peut pas faire abstraction de ces aveux », a-t-il assuré, en les comparant aux « éléments objectifs ». Mais, finalement, c’est l’accusation qui a le plus parlé de Laurent Vili, hier. « Une excellente moralité, un sportif exceptionnel, louangé par ses amis. Mais ce n’est pas parce qu’on est exemplaire qu’on ne peut pas basculer. »
L’avocat général avait joué la carte de la démonstration, la partie civile celle de la conviction. Ne pas juger un homme uniquement sur sa personnalité, « un modèle pour la communauté du destin commun » et sur un contexte « abominable des deux côtés ». C’est l’argumentaire qu’a développé Me Laurent Aguila. « Laurent Vili sait qu’il a fait du mal, c’est pour cela qu’il est rongé par le remords. Alors pourquoi, tout simplement, ne pas dire cette vérité ? Cela vous aurait permis de demander pardon, a-t-il dit en se tournant vers l’accusé. En fait, a poursuivi Me Aguila, la ligne de défense de Laurent Vili se résume à cette phrase : j’ai choisi d’être innocent. Mais ce n’est pas parce que l’accusé a le droit de mentir que vous avez le devoir de le croire », a-t-il lancé une dernière fois aux jurés.
Avant que la cour ne se retire, Laurent Vili a présenté ses condoléances à la famille de la victime. « On a tous souffert, depuis sept ans. Est-ce qu’on va continuer comme ça ? » Hier soir, Félix, Dorine, Richard, Brenda et Alexia sont rentrés chez eux. Ils et elles ne sauront sans doute jamais qui a tué leur fils, leur mari, leur père.
Pierrick Chatel
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