Le Midi-Libre édition du mardi 29 avril 2008

A peine débarqué, le pilier a repris l'entraînement avec le Montpellier HRC.

Plutôt gris, le temps, hier matin, sur Montpellier. Mais, pour Laurent Vili, ces nuages-là n'avaient rien à voir avec ceux, bien plus menaçants, qui s'étaient amoncelés sur sa tête pendant six ans. Et ce ciel couvert avait surtout, pour le Calédonien, la couleur de la liberté. D'ailleurs, de retour de Nouméa le matin même, via Paris, celui qui venait de faire éclater la vérité (lire ci-contre) repoussait la fatigue du vol et du décalage horaire pour reprendre le chemin du stade. Celui du Montpellier Hérault Rugby Club, où l'attendaient tous ses potes. Sa famille, comme il le dit lui-même. « Déjà, à l'aéroport, il y avait tout un petit comité d'accueil, souriait le solide gaillard. C'était normal que je vienne ici saluer tous les joueurs, tous ceux qui m'ont soutenu pendant cette épreuve ».

Avant de préciser, se pinçant un peu le ventre : « Et puis, il faut bien que je me réentraîne. Dans la tête, je suis prêt à reprendre le rugby. Le corps, lui, va falloir un peu que je le retravaille ». Le sourire, surtout, est là, bien présent. Sur la large face d'un gars franc, droit comme le poste de pilier qu'il occupe, bien campé sur des valeurs d'un sport qu'il honore. « Ces valeurs-là ont joué pour moi, lâche-t-il. A mon procès, les gars du club qui sont venus me soutenir, ont témoigné. Que ce soit Michel Bonnaud ( NDLR : le président du comité de soutien à Laurent Vili), Jérôme Vallée, Jean-Michel Meunier ou encore Denis Navizet, ont axé leur témoignage sur ces valeurs-là, celles que le rugby m'a inculquées ». Des valeurs qui, si elles ne sont pas directement à l'origine de l'acquittement du Wallisien (les faits, décortiqués par le tribunal, ont mis en évidence l'innocence de Vili), ont permis à ce grand gaillard de ne pas craquer.

« Depuis le début de cette affaire, le club et les joueurs n'ont cessé de me soutenir. Quand j'étais en prison, ou bien quand je suis revenu. Même les nouveaux joueurs, notamment les Sud-Af, étaient au courant. Des anciens comme Vallée ou Diomandé, ou des gars comme Taele et Toleafoa, avec qui on partage la même culture, ont servi de relais. J'ai découvert que les jeunes, comme François (Trinh-Duc) perpétuaient toujours les valeurs du ruby ». Quant à sa position de "présumé coupable", Laurent Vili n'a jamais eu à s'en défendre. « Aucun ne s'est jamais posé la question de savoir si j'étais coupable ou non. Ils m'ont soutenu, tout simplement. Comme une véritable famille. Ce qu'ont fait les joueurs, ce qu'a fait ce club, je ne l'oublierai jamais ». Ce qu'a fait, aussi, ce club, le président Thierry Perez et Didier Nourault, le directeur sportif, en tête, c'est de faire signer à Vili un contrat pro fin février en tant que joker médical, pour pallier la blessure de Clément Baïcco.

« J'étais un peu perdu, je manquais de repères, souligne celui qui, alors au sein du club de Nîmes, après avoir fait un crochet par Gaillac, peinait à refaire surface. Quand Thierry m'a appelé, pour me dire qu'ils avaient besoin d'un pilier qui se donne à 200 %, j'ai sauté au plafond. Maintenant, c'est à moi de rendre au club tout ce qu'il m'a donné. D'ailleurs, excuse-moi, ça commence dès maintenant. On m'attend ».

Celui qui l'attend, c'est encore Jérôme Vallée, le troisième ligne du MHRC. Et qui, après l'avoir soutenu à Nouméa, s'apprête à faire souffrir son ami, dans la salle de muscu. « Je suis prêt à tout, s'amuse Vili. Maintenant, je suis un homme libre ». Libre, mais pas entièrement libéré. « Le combat de Vili est terminé, grogne-t-il. Pas celui des miens, de ma communauté, là bas, en Nouvelle-Calédonie. Des choses se passent là-bas qui me révoltent. Des gens ont été déplacés, des amis ont perdu leur métier. On leur a fait des promesses non tenues. Je pense aussi à la famille de Jean-Marie (Goyetta, le Mélanésiens tué dans la fusillade). Je comprends leur colère. Je retournerai là-bas. Il y a un truc à terminer ».

Les gens de rugby tiennent toujours leur promesse. D'autant plus celle d'un pilier. Qui, dès la fin de la saison du Top 14 (« J'espère que je serai bientôt aligné sur une feuille de match »), repartira vers les siens, là-bas. Au bout du monde, dans son île, ce paradis qui parfois sombre dans l'enfer. Il veut y aller, pour entrer dans une mêlée qui n'a rien de simulée. Pour que plus personne, d'un camp comme de l'autre, n'en sorte, définitivement, sur une civière... Jean-Loup ROBERTIER