Le Midi Libre édition du lundi 21 avril 2008

En 2002, des violences opposant Wallisiens et Kanaks faisaient un mort. Sept mois plus tard, Laurent Vili était accusé. Son procès s'ouvre.

« Je suis heureux que la vérité puisse enfin éclater, et j'espère qu'on pourra vraiment aller au fond des débats ». Laurent Vili est arrivé à Nouméa en fin de semaine dernière. Avec ses amis du comité de soutien, Michel Bonnot en tête, avec quelques potes rugbymen, Jérôme Vallée notamment, troisième ligne à Montpellier, qui a raté le match de Top 14 à Albi samedi pour être près de Lolo et témoigner. Il y a là aussi Denis, Jean-Michel et Yannick, autant de copains qui, depuis six ans, ne ménagent pas leur peine. Comme au coeur d'une mêlée, ils ne reculeront pas pour envoyer Laurent Vili à l'essai et ainsi mettre un terme au cauchemar. Bien sûr, ils auraient préféré que le procès soit délocalisé en Métropole, mais tant pis... « C'est vrai, dans le contexte local, on a un peu peur des pressions qui pourraient s'exercer sur les jurés » avoue Michel Bonnot, à l'évidence tendu à l'approche du dénouement de cette sale affaire. En janvier dernier, M e Gauer, le défenseur de Vili, nous avait fait part de ses craintes : « Si Laurent est jugé là-bas, ce sera par un jury tiré au sort sur la base de la population calédonienne qui comporte 50% de Mélanésiens (les Kanaks, autochtones, NDLR) et 9% de Wallisiens (polynésiens, descendants d'immigrants, NDLR) ».

On l'a compris : les faits, pour lesquels est jugé le rugbyman et qui remontent au 8 janvier 2002, ont opposé Mélanésiens et Wallisiens. Un mois avant le drame, les premiers ont sommé les seconds de quitter Mont-Doré, un village que ces derniers habitaient depuis 50 ans. Alors, lorsque ce triste 8 janvier, de nuit, les Mélaniens, armés, traversent la rivière pour marcher sur Mont-Doré, pas étonnant que des coups de feu éclatent, laissant blessé Jean-Marie Goyetta qui décédera quelques jours plus tard à l'hôpital. Le 22 mars, sept mois après, Vili, alors étudiant et rugbyman à Montpellier, est arrêté. Il fera un an de prison.

Il n'a jamais nié avoir été sur place le 8 janvier, pas plus qu'il ne nie avoir tenu un fusil lors de ces affrontements. Ce qui est fragile dans cette histoire, ce sont les expertises ballistiques contadictoires, les témoignages discordants, et le rôle des gendarmes bien passifs aux yeux du défenseur du sportif. Un garçon meurtri qui s'est battu ces dernières années pour faire reconnaître son innocence et qui a puisé sa force dans le sport, devenant un éducateur écouté dans les écoles de rugby de la région où il a enseigné. Aujourd'hui, il se souvient avec émotion de ces après-midi dans sa geôle, l'oreille collée au transistor pour écouter son équipe de Montpellier gravir, sans lui, les échelons jusqu'à l'élite. Un parcours victorieux que les dirigeants et ses équipiers du MHRC lui ont dédié.

Bien sûr, Laurent Vili, qui a joué aussi à Nîmes, est passé à côté d'une vraie carrière. Mais qu'importe ! Le seul match qu'il ne doit pas perdre, il le sait bien, c'est celui qui commence aujourd'hui à Nouméa. Un match, à l'issue très incertaine, qui va durer trois longues journées.

Christian VALOIS