Titre le Midi-Libre.

NIMES PORTRAITS DE VILI LAURENT

Rugbyman dans l'équipe de Nîmes, après avoir joué dans le quinze de Montpellier, ce colosse doit comparaître au mois de mars devant la cour d'assises, pour un meurtre survenu en janvier 2002 en Nouvelle-Calédonie, lors d'affrontements armés opposant des Mélanésiens à son village de Wallisiens. Des affrontements que le pouvoir, sur place, n'a rien fait pour éviter.

Après avoir été incarcéré pendant un an, Laurent Vili, qui clame son innocence, se bat aujourd'hui pour être jugé en métropole, loin des tensions qui règnent encore à Nouméa. Des tensions qui selon son avocat ont fortement pesé sur le déroulement et les conclusions provisoires de l'enquête . « Je suis prêt à me battre et je n'ai plus qu'une hâte, c'est que le procès arrive. Mais je veux qu'il puisse être équitable. » A 31 ans, Laurent Vili, l'actuel pilier de l'équipe de rugby de Nîmes, s'apprête à vivre le match le plus important de sa vie.

Dans quelques semaines, ce colosse né en Nouvelle-Calédonie, originaire de Wallis-et-Futuna, doit comparaître en cour d'assises, pour un meurtre qu'il conteste. Le drame était survenu le 8 janvier 2002, à Mont-Doré, près de Nouméa, lors d'un affrontement armé entre Mélanésiens et Wallisiens.
Un mois plus tôt, la tension était montée entre ces deux communautés : des Mélanésiens de la tribu Saint-Louis donnent aux Wallisiens un mois pour évacuer ce village qu'ils occupent depuis cinquante ans. Pourquoi cet antagonisme ? « Il y a une grande différence culturelle entre Wallisiens et Mélanésiens. A un moment, on n'a pas accepté la différence de l'autre, et à cause du manque de dialogue, ça a explosé. » Le jour dit, sous l'oeil des gendarmes qui n'interviennent pas, des Mélanésiens armés tentent de franchir la rivière la Thy, et de part et d'autre, des dizaines de coups de feu sont échangés. Jean-Marie Goyetta, un Mélanésien, est blessé par balle à l'aine. Il mourra un mois plus tard, à l'hôpital.
Laurent Vili, qui était revenu en vacances dans son village, dont le père est le chef coutumier, sera désigné par des témoins comme étant le tireur. Arrêté le 22 août 2002, à Montpellier, où il joue alors, il sera incarcéré pendant un an avant d'être libéré sous contrôle judiciaire, avec interdiction de remettre les pieds en Nouvelle-Calédonie.
« La prison, ça a déchiré ma vie » explique Laurent Vili, qui a eu du mal à repartir sportivement depuis. « C'était dur, il fallait tenir. Je me suis accroché au club, à mes potes qui se battaient sur le terrain. Je suivais leurs résultats avec une semaine de décalage. » Car à Montpellier, un comité de soutien s'organise : le club joue avec des maillots siglés « Justice pour Lolo ». Une justice qui, pour Me Gilles Gauer, le défenseur de Laurent Vili, est pour l'instant plutôt mal partie : « Le procès qu'on veut nous imposer viole de façon gravissime les principes d'une justice démocratique », assène l'avocat montpelliérain. « C'est un peu Outreau sous les cocotiers, avec la raison d'Etat en plus. » Me Gauer relève les contradictions des témoins, la faiblesse des preuves matérielles et l'absence de certitude des experts sur la cause de la mort de la victime.
Mais surtout, il insiste sur ce qui est pour lui le point noir de l'enquête : « On ne veut pas faire apparaître l'incroyable défaillance de l'Etat : sur le territoire de la République Française, les autorités savaient qu'il allait y avoir une attaque armée, et on n'a rien fait. » Une décision dictée par « l'impératif du maintien de l'ordre en Nouvelle-Calédonie » qui pèserait toujours sur l'affaire. D'où sa demande d'un dépaysement du procès, théoriquement prévu en mars à Noumea. « S'il est jugé là-bas, il le sera par un jury tiré au sort sur la base de la population calédonienne, avec 50 % de Mélanésiens et 9 % de Wallisiens. Et de façon presque certaine, il y aura des troubles de l'ordre public. » Le procureur général de Noumea a refusé cette délocalisation, et l'avocat vient de saisir la cour de Cassation. En attendant sa décision, Laurent Vili s'interroge. « Le plus ahurissant, c'est l'abandon de l'Etat, qui était au courant et qui a laissé faire. Il a fallu qu'on s'organise, et maintenant on vient nous chercher pour nous juger, alors que ce serait à nous de juger les autorités. Que ce soit moi ou un autre Wallisien qui ait tiré, on était dans nos droits. Le Mélanésien qui est tombé, il est tombé chez nous, pas chez eux, et il était armé. C'était de la légitime défense, et tout ça sous l'oeil des gendarmes. »