Titre les nouvelles calédoniennes le 21 mai 2003

Nouvelle-Calédonie / Justice

La balle de Jean-Marie Goyeta a enfin parlé Les fragments de balle retrouvés dans le corps de Jean-Marie Goyeta proviennent d’une arme de 270, affirme le parquet de Nouméa. C’est le calibre utilisé par Laurent Vili, lors des affrontements de Saint-Louis. Mais aussi par beaucoup d’autres, répondent ses sympathisants.

La balle qui a tué Jean-Marie Goyeta, début 2002 à Saint-Louis, était du même calibre (270) que le fusil utilisé par Laurent Vili. C’est l’information rendue publique par le parquet de Nouméa à la veille de la tenue d’une marche de soutien au rugbyman wallisien mis en examen et incarcéré depuis août 2002 pour le meurtre du jeune Mélanésien. Depuis des mois, Laurent Vili clame son innocence en s’appuyant notamment sur les incertitudes liées à l’arme du crime et à la balle. Il a toujours reconnu avoir tiré ce jour-là. Mais avec une carabine 270, alors que les premiers éléments de l’enquête privilégiaient une balle de plus petit calibre (222 ou 243). En confirmant la présence d’une balle de 270, l’enquête vient donc de priver le rugbyman d’un argument de défense important. Mais dans l’entourage de Laurent Vili, on fait valoir que le calibre 270 est un des plus répandus en Calédonie et que de nombreuses personnes en ont fait usage lors des affrontements de Saint-Louis.

Extraction dangereuse

L’information délivrée par le parquet contribue également à éclairer une zone d’ombre de l’enquête. L’absence d’autopsie initiale et l’absence de balle dans le corps de la victime. A en croire le communiqué du parquet, la présence des fragments du projectile avait été détectée lors des radiographies effectuées au CHT Gaston-Bourret pendant l’hospitalisation du jeune Mélanésien. Mais cet élément capital n’avait pas été révélé par les médecins aux enquêteurs. Pourquoi ces fragments de balle n’ont-ils pas été ext-raits du vivant de Jean-Marie Goyeta au cours des opérations chirurgicales ? Il semblerait, selon nos sources, que ces morceaux de métal ne pouvaient être atteints par le bistouri sans risquer de tuer le malheureux. Certains étant trop près de la moelle épinière. Ignorant qu’il y avait une balle à trouver dans le corps de Jean-Marie Goyeta, les responsables de l’enquête judiciaire renonceront à faire pratiquer une autopsie.

A la recherche d’un légiste

Le blessé meurt dans la nuit du 2 au 3 janvier 2002. On est au milieu des grandes vacances et du week-end. Il n’y a pas de médecin légiste disponible sur le territoire. En faire venir un nécessiterait plusieurs jours. Mais la famille et les amis du défunt réclament le corps avec impatience et colère. Des jeunes de Saint-Louis stationnent jour et nuit au pied du CHT. L’ambiance est explosive. On craint un embrasement général. La dépouille de Jean-Marie Goyeta sera donc rendue sans autopsie à ses proches. Conséquence, il faudra attendre 15 mois pour déterminer le calibre sur la base d’éléments tangibles. C’est donc du 270. Le calibre utilisé par Laurent Vili. Mais aussi par d’autres. Et comme l’arme du crime n’a pu être ni saisie ni analysée, et qu’il est sans doute un peu tard pour le faire, la balle enfin reconstituée ne sera finalement pas très bavarde.

Quinze mois pour une autopsie

• 8 décembre 2001, des membres de la tribu mélanésienne de Saint-Louis attaquent le village wallisien voisin. Incendies, coups de feu, barrage de la route principale, les gendarmes prennent position entre les deux communautés ; • 8 janvier 2002, à l’issue d’une nuit où de nombreux coups de feu sont échangés, Jean-Marie Goyeta est atteint d’une balle dans le ventre. • 3 février 2002, Jean-Marie Goyeta meurt des suites de ses blessures après plusieurs semaines de coma. Il est enterré le 5 février à Saint-Louis sans avoir été autopsié. Les premiers experts penchent pour une balle de petit calibre. • Août 2002, Laurent Vili est arrêté à Montpellier. Transféré à Nouméa il est mis en examen pour le meurtre de Jean-Marie Goyeta puis incarcéré. Après avoir admis être l’auteur « possible » du meurtre, et reconnu avoir tiré, il revient sur ses aveux et affirme avoir utilisé du gros calibre. • 30 avril 2003, après des semaines de négociation avec la famille de Jean-Marie Goyeta, le corps du défunt est exhumé et autopsié. Neuf fragments de balle sont prélevés. Il s’agit de gros calibre.

Ph.F.

Le communiqué du parquet

Voici le texte du communiqué rendu public hier par le procureur de la République Robert Blaser.

« A la suite de l’exhumation et de l’autopsie du corps de Jean-Marie Goyeta, le 30 avril 2003, neuf fragments d’un projectile ont été extraits du bassin de la victime. La présence de ces fragments avait été décelée par radiographie durant l’hospitalisation de M. Goyeta, sans que cette information ait été portée à la connaissance des enquêteurs avant l’inhumation. « L’examen de ces prélèvements a été confié à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale à Rosny-Sous-Bois. Le pré-rapport en date du 15 mai conclut que le diamètre du projectile correspond aux munitions de calibre 270. Il ne correspond pas aux munitions de calibre 264 et 280. De même, les munitions de calibre 222, 223 et 243 sont formellement exclues. « Il convient de rappeler que Laurent Vili a toujours déclaré avoir utilisé une arme de calibre 270 au moment des faits. »