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Edition du 14
Juillet 2003
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L'affaire
Vili prend une tournure nationale |
L'affaire Vili prend mauvaise tournure. Et tournure nationale,
qui plus est. L'avocat montpelliérain de Laurent Vili, Me André
Ferran, vient en effet d'adresser une lettre ouverte au ministre
de la Justice Dominique Perben pour dénoncer ce qu'il considère
comme des dysfonctionnements mettant en cause les fondements mêmes
des droits de la défense.Laurent Vili, 26 ans, est ce joueur du
Montpellier-Rugby Club incarcéré à Nouméa sous l'accusation
de meurtre. « Un meurtre qui n'a pas été commis », écrit
André Ferran dans sa lettre au garde des Sceaux. Et sans se prononcer
sur le fond, il est vrai qu'il y a dans ce dossier des curiosités
procédurales que complique un peu plus la situation quotidienne
de la Nouvelle-Calédonie. Car ce meurtre a eu lieu sur une toile
de fond d'affrontements ethniques indignes d'un territoire de
la République.Depuis des années en effet, dans la banlieue même
de Nouméa, une tribu kanak s'affronte à un groupe de 500 Wallisiens
– du nom de l'île de Wallis – installé de longue date dans une
communauté baptisée du nom d'Ave Maria. But des Kanaks, selon
André Fer- ran : chasser les Wallisiens pour récupérer leurs terres.
Et pour ce faire, on ne lésine pas sur les moyens. Tirs quotidiens
à l'arme lourde, blessés fréquents, troupeaux égorgés, maisons
incendiées… sous le regard de la gendarmerie qui répugne à intervenir.C'est
dans ce contexte que s'est produite l'affaire qui a coûté sa liberté
au rugbyman montpelliérain. Le 7 février 2002, Laurent Vili se
trouve en vacances chez les siens dans la communauté wallisienne.
C'est le jour où se produit un véritable assaut venu du côté kanak.
Récit de Laurent Vili : on lui met entre les mains un fusil, un
270 mm, pour protéger les siens. Et dans l'affrontement, le rugbyman,
qui, à Montpellier, finit sa maîtrise de prof de gym, et que ses
amis décrivent comme le plus calme des hommes, tire. Une fois.
Il ne voit personne tomber et rentre chez lui puis à Montpellier.Mais
un homme, ce soir-là, a été blessé par balle: un Kanak du nom
de Jean-Marie Goyetta. Un homme qui mourra à l'hôpital sept semaines
plus tard. Alors commence une étrange saga judiciaire. Tandis
que Laurent Vili est arrêté, une rumeur court Nouméa : il y a
eu ce soir-là une bavure de la gendarmerie. Un tir est parti des
rangs des forces de l'ordre qui, sans intervenir, ont assisté
à la bataille rangée. Le déroulement judiciaire alors s'accélère
: aucune autopsie n'est faite sur le corps de Jean- Marie Goyetta
mais un expert affirme que l'homme a été tué par un petit calibre,
ce qui met hors de cause les armes de la gendarmerie. On a donc
un coupable, une victime mais quelque chose ne s'emboîte pas dans
le puzzle : Vili n'a jamais fait de difficulté pour reconnaître
qu'il avait tiré, mais sans connaître les conclusions de l'expert,
a toujours affirmé que c'était avec un 270 mm (non retrouvé d'ailleurs).
On exhume donc le corps du malheureux Goyetta, dont on ignore
d'ailleurs de quoi exactement il est décédé sept semaines après
les faits. Et le même expert revient sur ses conclusions : finalement,
c'est du 270 mm, dit-il. Ce revirement, l'absence d'autopsie,
l'état de santé de Vili, qui doit subir une opération de l'épaule,
la légitime défense où, de toute façon estime-t-il, il se trouvait
ce soir-là font bondir André Ferran. Deux demandes de mise en
liberté lui ont été refusées, une requête pour que l'affaire quitte
le giron judiciaire calédonien, de même. Il alerte aujourd'hui
le ministre de la Justice. Et, promet-il, ce n'est pas fini.J.
V.Photo Max BERULLIER
Photographe :
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Droits
Réservés à Midi-Libre
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