Nouvelle-Calédonie / Faits Divers

Nouvelles violences à Saint-Louis : 45 femmes et enfants
évacués
Une nouvelle case a été incendiée, et un homme
blessé de trois balles, dimanche à Saint-Louis. Du coup,
quarante-cinq femmes et enfants wallisiens et futuniens ont fui
leurs domiciles.
Quarante-cinq femmes et enfants de la communauté wallisienne et
futunienne ont été évacuées hier de l’Ave Maria par des blindés de
gendarmerie après un nouveau week-end de violences à Saint-Louis au
cours duquel une nouvelle maison a été incendiée, et un jeune
Mélanésien blessé de trois balles. Le jeune homme, Stéphane
Gnibekan, a été hospitalisé et opéré, mais ses jours ne semblent pas
en danger. Environ 200 coups de fusil ont été tirés au cours de
la nuit de samedi à dimanche et dans la matinée de dimanche. Selon
les observateurs, l’essentiel de ces tirs s’est produit au sein même
de la tribu mélanésienne de Saint-Louis, sans doute entre clans
rivaux. Les choses se sont envenimées dimanche vers 10 h 30
puisqu’une case a été incendiée. Elle appartient à un membre de la
famille Goyetta, endeuillée en janvier 2002 par la mort de
Jean-Marie Goyetta, des suites d’une blessure par
balle.
Circulation coupée
C’est peu après cet incendie que Stéphane Gnibekan a été
atteint à trois reprises par des tirs. A signaler que, mercredi
dernier, c’est une maison de la famille Gnibekan qui avait été
incendiée. Les enquêteurs ont naturellement fait un lien avec Livio
Gnibekan, auteur de l’homicide involontaire d’un autre jeune
Mélanésien, Fabien Kapetha, et d’une tentative d’assassinat contre
un aumônier militaire.
Coups de hache sur
un blindé
Une fois de plus, les gendarmes ont dû
déployer un important dispositif pour limiter les exactions et
sécuriser la route principale du Mont-Dore. La circulation a tout de
même dû être coupée à deux reprises, environ une demi-heure en fin
de matinée, et à nouveau quelques minutes vers 14 heures en raison
de tirs susceptibles de menacer les automobilistes. Vers 13 h 45
en effet, à la suite de négociations avec les chefs coutumiers
mélanésiens, les gendarmes de la brigade de recherche, casqués et
protégés par des gilets pare-balles, ont pu entrer dans la tribu
pour aller faire leurs constatations sur les lieux de l’incendie et
des tirs. Mais sur place ils ont été pris à parti par des émeutiers.
Une vitre latérale de leur voiture blindée a été endommagée par des
coups de hache. Un peu plus tard, Eric Spitz, directeur de
cabinet du haut-commissaire, est monté à l’Ave Maria pour renconter
les familles wallisiennes. C’est à l’issue de ces échanges, et avec
leur accord, que décision a été prise d’évacuer une quinzaine de
femmes et 30 enfants wallisiens et futuniens.
Enfants traumatisés
Les réfugiés sont
montés dans des véhicules blindés légers et ont été déposés à la
salle omnisports du Mont-Dore. Certains ont été pris en charge par
des familles habitant à l’extérieur, d’autres attendaient un
relogement provisoire de la commune et de la Province Sud. « Je pars
pour mes enfants. Depuis une semaine, il y a des tirs toutes les
nuits. Ils ne dorment plus et sont traumatisés. Et on compte six
blessés en quatre jours » a expliqué Soana, une des mères de
famille. « Mais nos maris sont restés là-haut avec leurs armes pour
défendre nos biens. »
Philippe Frédière
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 Un Land Rover de la gendarmerie a été
attaqué à la hache. Mercredi dernier, un autre véhicule du même type
avait été incendié. Photos : Marcel Le Pêchoux
Dix-huit mois de
conflit ethnique
Plusieurs maisons brûlées, trois morts, des dizaines
de blessés, le conflit ethnique, doublé d’une guerre
interne à la tribu mélanésienne, accuse un lourd
bilan. C’est en novembre et décembre 2001 que
d’importants affrontements se sont produits entre la
tribu mélanésienne de Saint-Louis au Mont-Dore et le
village wallisien de l’Ave Maria. La tribu de
Saint-Louis réclame le départ de tous les Wallisiens
(environ un millier il y a 18 mois) installés là, et la
rétrocession à son bénéfice des terres qu’ils
occupent. Trois personnes (deux Mélanésiens et un
Futunien) ont trouvé la mort au cours des nombreux
échanges de tirs qui ont eu lieu depuis, et quelques
dizaines d’autres ont été blessées, le plus souvent par
balles. Plusieurs maisons ont été
incendiées.
Accord de
trêve
Parallèlement, un conflit ouvert
oppose les chefferies rivales qui se disputent
l’autorité à l’intérieur de la communauté mélanésienne.
Ces querelles de clans sont-elles-mêmes à l’origine de
plusieurs blessés par balles et de plusieurs
incendies. Il est donc difficile, à chaque nouvelle
exaction, de savoir si elle procède du conflit ethnique,
ou si elle relève des querelles internes au monde
kanak. En octobre 2002, un accord est intervenu entre
communautés rivales sous l’égide du haut-commissariat et
de la Province sud. Cet accord vise au complet départ
des Wallisiens, en échange de quoi les coutumiers
mélanésiens se sont engagés à tenir leurs troupes. Le
processus engagé a permis d’assurer huit mois de
relative tranquillité. Mais depuis début juin, en dépit
du départ effectif de plusieurs centaines de personnes,
les incidents et les exactions ont retrouvé une cadence
inquiétante.
Six blessés en
cinq jours
Mercredi dernier, une case a
été brûlée, cinq personnes ont été blessées : une
religieuse, un gendarme (lors de l’attaque d’un
véhicule), ainsi que deux Wallisiens et un métis kanak
marié à une Wallisienne (atteints par des tireurs
embusqués). L’un des blessés par balle, David Tuulaki,
est toujours dans le coma. Vendredi, une réunion
s’est tenue à la mairie du Mont-Dore en présence des
chefs mélanésiens pour les tenir informés du processus
de relogement des familles wallisiennes. Hier, une
autre case a été incendiée et un Mélanésien a été blessé
de plusieurs balles. Sur les 171 familles qui
peuplaient l’Ave Maria il y a dix-huit mois, il n’en
reste aujourd’hui qu’une cinquantaine, soit environ 300
personnes.
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