Lundi 30 Juin 2003


ACTUALITE


Nouvelle-Calédonie / Faits Divers


Nouvelles violences à Saint-Louis : 45 femmes et enfants évacués

Une nouvelle case a été incendiée, et un homme blessé de trois balles, dimanche à Saint-Louis. Du coup, quarante-cinq femmes et enfants wallisiens et futuniens ont fui leurs domiciles.

Quarante-cinq femmes et enfants de la communauté wallisienne et futunienne ont été évacuées hier de l’Ave Maria par des blindés de gendarmerie après un nouveau week-end de violences à Saint-Louis au cours duquel une nouvelle maison a été incendiée, et un jeune Mélanésien blessé de trois balles.
Le jeune homme, Stéphane Gnibekan, a été hospitalisé et opéré, mais ses jours ne semblent pas en danger.
Environ 200 coups de fusil ont été tirés au cours de la nuit de samedi à dimanche et dans la matinée de dimanche. Selon les observateurs, l’essentiel de ces tirs s’est produit au sein même de la tribu mélanésienne de Saint-Louis, sans doute entre clans rivaux. Les choses se sont envenimées dimanche vers 10 h 30 puisqu’une case a été incendiée. Elle appartient à un membre de la famille Goyetta, endeuillée en janvier 2002 par la mort de Jean-Marie Goyetta, des suites d’une blessure par balle.

Circulation coupée

C’est peu après cet incendie que Stéphane Gnibekan a été atteint à trois reprises par des tirs. A signaler que, mercredi dernier, c’est une maison de la famille Gnibekan qui avait été incendiée. Les enquêteurs ont naturellement fait un lien avec Livio Gnibekan, auteur de l’homicide involontaire d’un autre jeune Mélanésien, Fabien Kapetha, et d’une tentative d’assassinat contre un aumônier militaire.

Coups de hache sur un blindé

Une fois de plus, les gendarmes ont dû déployer un important dispositif pour limiter les exactions et sécuriser la route principale du Mont-Dore. La circulation a tout de même dû être coupée à deux reprises, environ une demi-heure en fin de matinée, et à nouveau quelques minutes vers 14 heures en raison de tirs susceptibles de menacer les automobilistes.
Vers 13 h 45 en effet, à la suite de négociations avec les chefs coutumiers mélanésiens, les gendarmes de la brigade de recherche, casqués et protégés par des gilets pare-balles, ont pu entrer dans la tribu pour aller faire leurs constatations sur les lieux de l’incendie et des tirs. Mais sur place ils ont été pris à parti par des émeutiers. Une vitre latérale de leur voiture blindée a été endommagée par des coups de hache.
Un peu plus tard, Eric Spitz, directeur de cabinet du haut-commissaire, est monté à l’Ave Maria pour renconter les familles wallisiennes. C’est à l’issue de ces échanges, et avec leur accord, que décision a été prise d’évacuer une quinzaine de femmes et 30 enfants wallisiens et futuniens.

Enfants traumatisés

Les réfugiés sont montés dans des véhicules blindés légers et ont été déposés à la salle omnisports du Mont-Dore. Certains ont été pris en charge par des familles habitant à l’extérieur, d’autres attendaient un relogement provisoire de la commune et de la Province Sud. « Je pars pour mes enfants. Depuis une semaine, il y a des tirs toutes les nuits. Ils ne dorment plus et sont traumatisés. Et on compte six blessés en quatre jours » a expliqué Soana, une des mères de famille. « Mais nos maris sont restés là-haut avec leurs armes pour défendre nos biens. »


Philippe Frédière
 



NAVIGUEZ
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Un Land Rover de la gendarmerie a été attaqué à la hache. Mercredi dernier, un autre véhicule du même type avait été incendié. Photos : Marcel Le Pêchoux


 
Dix-huit mois de conflit ethnique

Plusieurs maisons brûlées, trois morts, des dizaines de blessés, le conflit ethnique, doublé d’une guerre interne à la tribu mélanésienne, accuse un lourd bilan.
C’est en novembre et décembre 2001 que d’importants affrontements se sont produits entre la tribu mélanésienne de Saint-Louis au Mont-Dore et le village wallisien de l’Ave Maria.
La tribu de Saint-Louis réclame le départ de tous les Wallisiens (environ un millier il y a 18 mois) installés là, et la rétrocession à son bénéfice des terres qu’ils occupent.
Trois personnes (deux Mélanésiens et un Futunien) ont trouvé la mort au cours des nombreux échanges de tirs qui ont eu lieu depuis, et quelques dizaines d’autres ont été blessées, le plus souvent par balles.
Plusieurs maisons ont été incendiées.

Accord de trêve

Parallèlement, un conflit ouvert oppose les chefferies rivales qui se disputent l’autorité à l’intérieur de la communauté mélanésienne. Ces querelles de clans sont-elles-mêmes à l’origine de plusieurs blessés par balles et de plusieurs incendies.
Il est donc difficile, à chaque nouvelle exaction, de savoir si elle procède du conflit ethnique, ou si elle relève des querelles internes au monde kanak.
En octobre 2002, un accord est intervenu entre communautés rivales sous l’égide du haut-commissariat et de la Province sud. Cet accord vise au complet départ des Wallisiens, en échange de quoi les coutumiers mélanésiens se sont engagés à tenir leurs troupes. Le processus engagé a permis d’assurer huit mois de relative tranquillité. Mais depuis début juin, en dépit du départ effectif de plusieurs centaines de personnes, les incidents et les exactions ont retrouvé une cadence inquiétante.

Six blessés en cinq jours

Mercredi dernier, une case a été brûlée, cinq personnes ont été blessées : une religieuse, un gendarme (lors de l’attaque d’un véhicule), ainsi que deux Wallisiens et un métis kanak marié à une Wallisienne (atteints par des tireurs embusqués). L’un des blessés par balle, David Tuulaki, est toujours dans le coma.
Vendredi, une réunion s’est tenue à la mairie du Mont-Dore en présence des chefs mélanésiens pour les tenir informés du processus de relogement des familles wallisiennes.
Hier, une autre case a été incendiée et un Mélanésien a été blessé de plusieurs balles.
Sur les 171 familles qui peuplaient l’Ave Maria il y a dix-huit mois, il n’en reste aujourd’hui qu’une cinquantaine, soit environ 300 personnes.


 




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